jeudi 23 mai 2013

Au pied de la montagne

Depuis des années je vois mes cousines, mes amies, partir tranquillement sur le chemin de la maternité. Les femmes qui l'empruntent sont sereines : la route est toute tracée, il n'y a qu'à suivre le parcours balisé. Celui que tout le monde connait. Nos mère, nos grand-mère, nos arrière-grand-mères, toutes sont passées par ici. Le chemin est accueillant et bordé de fleurs. Les petits oiseaux chantent, le climat et doux, la promenade est plutôt agréable. Et puis, après neuf mois à cheminer ainsi, on arrive à destination. On devient mère.

J'avais toujours rêvé d'emprunter ce chemin. Quand nous nous sommes lancés, main dans la main avec Chéri, nous pensions, nous aussi pouvoir suivre le parcours balisé. Mais après neuf mois de marche, nous n'étions toujours pas arrivés à destination. On nous a d'abord dit de ne pas s'impatienter, de continuer la route, seulement celle-ci devenait de plus en plus pénible au fil du temps. Plusieurs fois, j'ai trébuché. Plusieurs fois, Chéri m'a rattrapée. Jusqu'au jour ou nous avons appris que nous ne pouvions rien espérer à rester sur cet itinéraire. Nous devions passer par un autre chemin. Bien plus long. Bien plus difficile. Mais qu'au bout nous attendait sans doute notre bébé.

Déjà fatigués après cette longue marche, nous bifurquons alors vers l'autre route. Celle dont personne ne parle. Celle qui nous éloigne des autres, restés entre eux sur le chemin fleuri. Nous traversons d'abord un grand désert brûlant. Le vide, partout. Le vide autour de nous. Nous sommes comme seuls au monde, perdus dans cet univers qui nous est totalement inconnu. Et puis, nous arrivons au pied d'une première montagne. Notre bébé est au sommet, c'est sûr! Plein d’enthousiasme et d'énergie, nous nous lançons à l'assaut de cette montagne. La pente est raide, la marche est très fatigante, mais nous nous concentrons sur l'objectif à atteindre. Seulement, arrivés au sommet, pas de bébé. La chute est rude, et nous nous retrouvons à nouveau dans le désert. Avec pour objectif d'atteindre une nouvelle montagne.

Nous gravissons une deuxième montagne, puis une troisième encore plus escarpée. Toujours rien. A chaque échec, nous tombons. A chaque fois, nous nous relevons. Avancer, avancer encore. Nous sommes de plus en plus fatigués, et de plus en plus découragés. Quand arriverons-nous à destination? Alors même que nous sommes engagés dans ce parcours du combattant depuis plus de deux ans, les autres se baladent tranquillement sur le chemin fleuri. Pourquoi eux? Pourquoi pas nous? Nous continuons malgré tout à avancer vers une quatrième montagne. Le début de l'ascension se passe sans heurts et nous nous mettons à espérer. Et si cette fois-ci, c'était la bonne? Malheureusement, alors que nous sommes presque arrivés au sommet, impossible de passer! Nous devons de faire demi-tour. La déception d'avoir gravit cette montagne pour rien est immense, nous sommes anéantis. 

Cependant, nous repartons, toujours main dans la main. Nous encourageant l'un l'autre. Nous distinguons bientôt au loin une cinquième montagne. Beaucoup plus haute, beaucoup plus lointaine aussi. Le chemin pour y parvenir est encore plus pénible, et gravir cette montagne est encore plus ardu. Nous sommes déjà exténués, meurtris, courbaturés. Il nous faudra du courage pour parvenir à son sommet, mais nous savons que nous avons plus de chances de trouver notre bébé là-haut. Nous devons pour cela traverser à nouveau le désert. Il nous semble cependant moins hostile qu'au début car nous le connaissons et nous y sommes habitués. De plus, nous avons trouvé quelques personnes, le long du chemin, qui sont prêtes à nous soutenir et à nous épauler quand le parcours devient trop éprouvant.

Alors que la première traversée du désert nous a semblé interminable, il nous semble que celle-ci nous fera du bien. Nous avons besoin de souffler après cette année à gravir des montagnes, en vain. D'accord, le chemin est plus accueillant à côté, mais nous avançons tous les deux, main dans la main. Sans perdre de vue notre objectif, cette cinquième montagne que l'on distingue au loin. Nous ne nous pressons pas, nous reprenons des forces. Pour être prêt quand nous y arriverons enfin.

Au pied de la montagne.

26 commentaires:

  1. Toujours aussi joliment dit. Plein de poésie malgré la tristesse que l'on lit au travers. Des pensées pour toi Grib et pour ton Chouchou (pas pour ta BM par contre ;) ), on est sur le bord de la route pour t'encourager et te soutenir... Comme au Tour de France, oui oui ! :)

    RépondreSupprimer
  2. je me retrouve très bien dans ce que tu écrit. .. après être brutalement tombée dans le precipice je me retrouve de nouveau devant la montagne... cette montagne je la connais je l ai déjà gravie par deux fois... mais je sais d avance qu elle est difficile et que la tempête peut se déchaîner à tout moment... je sais aussi qu on peut y trouver le soleil... mais là maintenant je me sens pas encore le courage de recommencer l ascension. .. il faut reprendre des forces...
    je t envoie plein de rayons de soleil et plein de courage...

    RépondreSupprimer
  3. Dis-toi que les quelques mois qui viennent ne seront pas qu'une traversée du désert, mais aussi l'occasion de faire une pause-goûter !!! Si, si... Je suis sérieuse. Une façon de recharger vos batteries avant de repartir (oui, j'adooOOoore les métaphores. C'est pour ça que j'ai adoré ton article ! ^^). Bisous, 'tite Gribouille ! Ps : Plus sérieusement : on sera là, pendant les mois qui viennent, pour que vous ne soyez pas seuls.

    RépondreSupprimer
  4. très touchée par ton article ma juju et oui le bb est en haut de la montagne,il faut juste être assez endurant courage et on croise pendant cette traversee du desert

    Aurélie

    RépondreSupprimer
  5. C'est un très beau billet...
    Je commence l'ascension de ma seconde montagne dimanche soir, fiv 2
    Je n'y crois pas du tout surement pour me protéger, pour etre moins malheureuse en cas d'échec....
    Profitez de ce souffle ça tombe pdt les beaux jours en plus c'est je pense plus facile ;)
    Catherine

    RépondreSupprimer
  6. J'espère de tout cœur qu'une fois cette haute montagne gravie, vous vous promènerez enfin sur le joli chemin fleuri, en tenant vos enfants par la main... (et va savoir, peut-être que celles et ceux qui étaient sur le chemin fleuri pendant vos galères devront alors gravir des montagnes pour d'autres raisons; non pas que je le leur souhaite!)
    Bises et profitez de cette traversée du désert; c'est beau aussi le désert.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci, c'est vrai que c'est beau aussi, le désert, mais c'est pas pareil...

      Supprimer
  7. Un très beau texte. J'ai failli pleuré... J'ai appris hier le résultat de notre FIV 1 - négatif. On doit faire une pause de 3 mois avant de passer au TEC... J'aurais tellement voulu vous dire que la FIV 1 peut marcher, qu'il faut garder l'espoir, mais... JUJU

    RépondreSupprimer
  8. La métaphore est très jolie. C'est vrai qu'on en vient à devenir de vrais alpinistes, hautement équipés, habitués à toutes les tempêtes. On s'en serait bien passés mais il parait que ça nous renforce ?
    Le souci c'est qu'il y a tellement de montagnes à gravir et qu'on ne sait pas à l'avance en haut de laquelle nous aurons la plus belle vue.
    J'espère que le dernier désert avant la FIV se passera le mieux possible et qu'il vous permettra de vous attaquer à cette nouvelle montagne avec toute l'énergie nécessaire.
    Bises

    RépondreSupprimer
  9. Très bel articles, très belles images que ce désert et ces montagnes... Le chemin est plus sinueux et moins accueillant, c'est sûr, mais continuons de croire à ce qui nous attend au bout... Grosses bises Gribouillette et "bonne" traversée du désert alors, on est synchro sur ce coup-là.

    RépondreSupprimer
  10. "Quelquefois, dans toute une grande montagne, il n'y a que la voix de l'enfant" (V.Hugo)
    c'est cette voix là qui aide à avancer. il est au bout et vous attend certainement, même si le sentier est plus sinueux.
    Gros bisous, prenez soin de vous.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Très belle citation que je ne connaissais pas. :)

      Supprimer
  11. Superbe métaphore !
    Mais je suis sûre que les alpinistes chevronnés que vous êtes allez pouvoir crier victoire en haut de la montagne. Bientôt bientôt j'espère.
    Bisous

    RépondreSupprimer
  12. j'aime vraiment te lire, je suis à chaque fois bouleversée.
    J'ai hâte de voir un début de parterre de fleurs sur votre chemin. Bisous

    RépondreSupprimer
  13. Quelle belle manière de raconter tout ça..tu m'as mis les larmes aux yeux.
    Ce qui est sûre c'est que ces montagnes on ne peut les gravir seules, les gravir main dans la main avec son homme c'est la seule manière d'y arriver. Et si parfois il y a un petit coup de mou, tu peux compter sur nous pour t'encourager sur le bord de la route.. Je t'envoie de gros bisous

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est vrai, c'est grâce à nos hommes qu'on avance, heureusement qu'ils sont là! :)

      Supprimer