mardi 7 novembre 2017

Faux semblant

La journée d'hier a été particulièrement difficile. C'était la rentrée, et dès le matin, au café, ça papotait en salle des maîtres "Alors, tes vacances, c'était bien? Ah ouais t'es parti à tel endroit. Ah mince tes mômes ont été malades, pas de chance. Et toi, comment ça va?"
Moi ça n'allait pas. Du tout. La maladie de Pâquerette qui semble faire une récidive. Notre espoir piétiné. La fausse couche imminente. Mon épuisement physique et moral.
Mais comment le dire devant une petite dizaine de personnes? Impossible. J'ai joué la forte. Et craché le morceau, plus tard, à quelques collègues dont je suis proche, mais sans m'étaler. Ne pas pleurer, ne pas pleurer. J'ai réussi à tenir bon face à ma classe, et pourtant cette année, j'ai vraiment une promo affreuse, tout le monde l'appelle "la classe des monstres" c'est pour dire. J'ai fait semblant. Comme je faisais déjà avec ma fille, mes parents, et même mon homme. Le pauvre déprime complètement, lui aussi, entre ça, l'AVC de son grand père, et le genou de Pâquerette. 

Depuis plusieurs jours je m'appliquais donc à faire comme si de rien : m'occuper de ma fille la journée, regarder des séries le soir et m'écrouler de fatigue dans mon lit pour éviter de cogiter. Surtout, me remplir l'esprit avec autre chose. Pour ne pas y penser, ne pas m'attarder sur ce qui nous arrivait. Après tout, on a subi tellement de galères pour Pâquerette. Ce n'était qu'une épreuve de plus. C'est tellement courant, les fausses couches, ça arrive à tellement de filles. J'allais être forte, surmonter tout ça, penser au boulot, et ça allait le faire. Du moins j'en étais persuadée. Mais en fait je refusais d'affronter ma douleur en face. Je faisais l'autruche.

La réalité m'a rattrapée hier, en plein milieu d'une réunion pour une de mes élèves en difficulté (et dont la maman en face de moi était enceinte...) Les saignements sont arrivés. Légers au début, puis plus abondants au fil de la journée. J'ai eu de plus en plus de mal à faire semblant. Nous avions conseil d'école à 18h, les collègues se sont retrouvés en salle des maîtres en attendant, je les entendais rire et discuter. Je n'ai pas pu y aller. J'ai rangé ma classe, corrigé mes cahiers, pleuré un peu, planquée à mon ordinateur. Mais je ne pouvais pas craquer, pas totalement. J'ai suis allée à la réunion dans un état second, écouté sagement le directeur, et même argumenté sur le retour de la semaine à 4 jours. Puis je suis rentrée chez moi et j'ai embrassé ma fille qui était déjà au lit. 

Et enfin, je me suis écroulée dans le canapé. Non je n'allais pas bien et je devais l'admettre. 

Ce matin, je me suis réveillée avec des petites contractions. Rien d'insurmontable, surtout avec les médicaments, mais vraiment, je ne me sentais pas capable d'aller bosser. Je me sens faible, à la limite du malaise, et pas du tout d'attaque pour faire semblant, encore. Une fois mon homme et ma poulette partis, le boulot prévenu, le rdv avec le docteur pris, j'ai pris le temps de regarder en moi. Et je n'ai vu que de la douleur, de la colère, et tellement de fatigue. Je me suis autorisée à craquer, vraiment, à gros sanglots. Et ça m'a fait du bien. 

Je crois que j'ai besoin d'aller mal, pour faire mon deuil, et pour pouvoir aller mieux ensuite. Et ça je ne peux le faire que toute seule. 

10 commentaires:

  1. Désolée de lire toute cette tristesse... On avait diagnostiqué ma grossesse non évolutive après des saignements. Donc j'avais éte arrêtée la semaine (expulsion 4 ou 5 jours après les premiers saignements). Tout ça pour dire que tu as le droit de craquer, de rester chez toi le temps qu'il faut. C'est difficile mais on finit par se relever.

    RépondreSupprimer
  2. Je suis de tout coeur avec toi. Tu as raison, il faut écouter tes émotions. Prends bien soin de toi.
    Gros bisous,
    Lily.

    RépondreSupprimer
  3. Moi je trouve ça inhumain de faire une fausse couche au boulot comme si rien n'était. J'ai eu une semaine d'arrêt quand j'ai fait la mienne et c'était tellement nécessaire. Courage.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui c'est sûr que c'est fou d'imaginer aller au boulot comme si de rien... ce n'est pas "rien", contrairement à ce que pense beaucoup de monde...
      Merci pour ton commentaire

      Supprimer
  4. Bien que sortie de la PMA aujourd'hui j'ai vécu ça aussi ... alors je te souhaite plein de courage ... et oui tu as le droit de craquer ! tu as le droit d'être malheureuse ... bises

    RépondreSupprimer
  5. Il faut du temps pour se remettre d une fausse couche :(. Physiquement et psychologiquement... C est dur ! Prend bien soin de toi

    Mimo

    RépondreSupprimer