vendredi 2 août 2019

Insomnie

C'est un peu avant minuit que j'ai entendu pleurer Pâquerette depuis son lit.
- Maman!
J'ai débarqué dans sa chambre, à moitié endormie.
- Qu'est-ce qu'il y a mon poussin?
- Je peux avoir la glace, pour mon genou...
- Tu as mal?
- Oui.

Je suis allée au frigo, j'ai pris machinalement cet objet bleu et mou, que je ne peux plus voir en peinture. Son "Actipoche". Emballé dans une serviette, je lui ai calé sur le genou. Elle s'est réinstallée pour s'endormir, serrant son doudou contre son cœur. Je lui ai donné un bisou. "Ça va aller, rendors toi mon cœur." C'est la gorge nouée et la boule au ventre que je suis retournée me coucher. Et depuis bien sûr, impossible de me rendormir.

La maladie nous a retrouvé. Elle était restée tapie pendant plus d'un an, on l'avait presque oubliée. Et puis, sournoisement, elle a recommencé à se manifester, à la fin du mois de juin. D'abord discrètement, par des douleurs juste avant une nouvelle dose d'Humira. On a mis ça sur le compte de la croissance. De la chaleur. De la fatigue de la fin de l’année scolaire. Pâquerette avait mal un ou deux jours avant la piqûre, et puis hop, sitôt l'injection faite, ça allait mieux. Elle se remettait à gambader, et nous à respirer. 

Et puis, mi-juillet, ça s'est gâté. La piqûre n'a fait effet qu'une petite semaine. Son genou droit, celui par qui tout a commencé, a recommencé à gonfler. A nouveau, Pâquerette est limitée dans ses mouvements, ne peut plus courir, sauter. Elle boite. Je ne m’habituerai jamais à voir ma petite fille de 4 ans boiter je crois. Les réveils sont compliqués, puisque son genou est rouillé après la nuit. On met du chaud, on met du froid. On donne du Doliprane. Et on se sent si impuissant. La maladie la fatigue énormément, elle est irritable, pleure souvent. Moi aussi je pleure, mais à l'intérieur seulement. Pour l'extérieur, j'ai enfilé mon armure de maman forte et positive qui sourit et affronte les épreuves une à une. Le costume est un parfois un peu grand pour moi, mais je n'ai pas le choix...

Devant ce tableau alarmant, la rhumatologue est passée en coup de vent examiner Pâquerette, lors de notre injection de mercredi. Le couperet est tombé, sans surprise : une nouvelle infiltration du genou est programmée pour notre poulette. Et il est possible que son corps soit (déjà!) immunisé à l'Humira et dans ce cas, il faudra changer de biothérapie. La rhumatologue m'a parlé d'Enbrel, une injection par semaine. Actuellement, avec une piqûre tous les 15 jours, j'ai déjà l'impression de passer ma vie à l’hôpital. Dire qu'on espérait un espacement des piqûres... Cette saleté d'arthrite est revenue si vite. J'ai tellement peur de l'avenir. Il n'y a pas beaucoup d'alternatives thérapeutiques, et si dans un an le nouveau traitement ne fait plus effet, c'est quoi la suite?

Ma psy me dirait qu'on ne sait pas ce que nous réserve le futur. Ne ne pas ruminer sur l'avenir. De vivre le moment présent et profiter des petits bonheurs. Elle a raison, et la plupart du temps j'y arrive. Mais quand le moment présent c'est ton enfant de 4 ans qui t'appelle la nuit en pleurant de douleur? Quand le moment présent c'est annoncer à ta fille qu'elle va devoir subir à nouveau une infiltration? Quand le moment présent ce sont des vacances rythmées par la maladie?

La journée, c'est assez facile de tenir, car Pâquerette est là, avec sa force, son sourire, ses questions à n'en plus finir. Mais la nuit, quand il ne reste plus que le noir et mon cerveau en ébullition... c'est un peu la descente aux enfers...

Et une fois encore je suis surprise de cette capacité du cerveau à prioriser les problèmes. A la seconde où la maladie est revenue, notre projet de bébé 2 m'a à nouveau semblé si futile, la souffrance, pourtant bien réelle, endurée pendant ces trois années d'échec, si dérisoire. Ce qui compte, c'est ma fille. Ma fille que je dois parfois porter dans les magasins. Comment je ferais si j'avais un bébé 2 dans la poussette? Ma fille à qui je lis des histoires sans compter tous les matins, en attendant que son "Actipoche" fasse un peu effet. Comment je ferais si j'avais un bébé 2 qui réclamait son biberon? Ma fille qui passe avant tout le reste et à qui je peux consacrer tout mon temps.

La nature, après nous avoir envoyé une insuffisance ovarienne pour moi, une dystonie pour mon conjoint, et maintenant une arthrite juvénile pour notre enfant, ne serait-elle pas en train de me dire STOP?

STOP. Arrête les frais, vous n'avez pas assez de problèmes à gérer?

STOP. Tu vois bien que, pour vous, la roue ne tourne jamais.

STOP. Ta fille et ton homme ont besoin de toi.

STOP la PMA?

6 commentaires:

  1. Oh mais c'est si injuste qu elle souffre comme ça :( Je ne trouve pas les mots pour réconforter, pour soutenir ... Je crois que toutes tes questions sont légitimes. Je te souhaite tout plein de courage !

    Mimo

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    1. Je te remercie Mimo. Je crois qu'il n'y a pas vraiment de mots adéquats face à cette situation...

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  2. Je suis si triste pour votre petite puce. J'aimerais avoir une baguette magique pour guérir cette fichue maladie. C'est totalement injuste !
    Je sais que tu es forte mais tu as le droit de craquer et maintenant que je suis maman, j'imagine beaucoup mieux à quel point ce doit être difficile pour toi de voir Pâquerette souffrir sans pouvoir faire grand chose.
    On vous embrasse virtuellement tous les trois en attendant de vous voir en vrai...

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    1. Merci pour ton soutien Boupe. <3
      Oui voir son enfant souffrir, et se sentir si impuissante, c'est vraiment dur. Là elle est chez papi et mamie, j'espère que ça va bien se passer...

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  3. Aurais tu un compte fb ou insta pour qu'on puisse discuter en direct ma belle ? Je comprends tellement tt ca...

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    1. Non, pas de compte fb ou insta, je m'y refuse. ;)
      Je pourrai t'envoyer un petit mail un de ces jours?
      Pensées <3

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