vendredi 28 février 2014

Zéro

Rendez-vous chez le banquier en vue du projet "maison".

"Alors, montrez-moi donc votre avis d'imposition, pour voir si vous avez droit au prêt à taux zéro... ça serait quand même plus valable pour vous!"
Je lui donne les papiers.

"Hum... c'est dommage, vous passez tout juste au-dessus du seuil. Vous n'y aurez pas droit. Pas trop déçue?"
Oh bah vous savez mon petit monsieur, des déceptions, j'en ai essuyé d'autres...

"Rho, c'est vraiment pas de chance, ça passe à un cheveu!"
La chance et moi, vous savez, on n'est pas très potes!

"Et, je vais vous dire quelque chose... 
...vous auriez eu un enfant, c'était bon."

Ravie de l'apprendre. Là c'est même plus de la double peine, c'est de la triple, quadruple peine...

mercredi 26 février 2014

5 ans

Cinq ans se sont écoulés depuis notre rencontre. C'est tant et si peu à la fois!

Il y a cinq ans, j'ai rencontré un homme adorable, drôle et émouvant. J'en suis tombée follement amoureuse. Très vite, nous nous sommes installés ensemble. Nous étions pressés de vivre à deux. Pressées de vivre tout court. Même si notre vie de couple nous comblait, les premières années n'ont pas été toutes roses. Mais malgré les galères, et il y en a eu, notre couple a résisté, contre vent et marrées. Le chômage, la séparation géographique, mes premières années d'enseignement et mon burn-out qui a suivi. On a tout surmonté. 

Nous n'avons pas voulu attendre d'avantage pour fonder notre famille. Nous avions tous les deux le désir d'être de jeunes parents. Et des galères, il y en aurait toujours. Alors à quoi bon attendre? Etre mariés, propriétaires ou en CDI tous les deux n'était pas forcément gage de bonheur pour nous et notre enfant à venir. Nous n'étions pas non plus écervelés, et savions que nous pouvions assumer un enfant. Mon boulot était suffisamment stable pour se reposer dessus. Et nous aurions tout le temps ensuite de nous marier ou de devenir propriétaire. La priorité, c'était faire un bébé.

Nous ne pouvions pas deviner les années de galère qui suivraient. Mon chéri a décroché un CDI. Mais bébé n'est pas arrivé. Nous avons quitté notre appartement pour une maison avec jardin et baignoire. Mais bébé n'est pas arrivée. Nous projetons aujourd'hui d'acheter ou de faire construire. Mais alors que les conditions deviennent idéales, notre rêve de fonder une famille se complique de plus en plus.

Je ne regrette pas notre décision de fonder rapidement une famille. Avec mon insuffisance ovarienne, deux ou trois ans de plus auraient compliqué encore d'avantage ce parcours du combattant qu'est la PMA. Mais sur presque cinq ans de vie commune, nous avons passé trois ans à essayer de faire un bébé. Soit plus de la moitié. Cette épreuve que nous a imposée la vie fait partie de notre histoire de couple maintenant. Et même si nous la surmontons un jour, on ne pourra jamais effacer cette période de profonde souffrance.

Mais nous souffrons à deux. Nous nous épaulons, nous nous soutenons. Cette galère qu'est l'infertilité nous a rapproché. Nous a ressoudé. On n'est peut-être pas mariés mais le lien qui nous uni est tout aussi fort. "Pour le meilleur et pour le pire". On a eu beaucoup de pire.

Mais on va continuer à se battre pour le meilleur.

Je t'aime mon coeur.

dimanche 23 février 2014

Maison

Nous avons peut-être trouvé une maison à acheter. La maison de nos rêves. Nous avons fait une offre et attendons la réponse des propriétaires. Depuis je ne dors plus. Je ne mange plus. Je ne respire plus.
Et je me plonge dans un monde complètement inconnu et auquel je ne comprends rien. Compromis, notaire, crédits, taux d’intérêt et autres joyeusetés. Comme la PMA, c'est bourré d'abréviations. Mais si IIU, FIV, ICSI et AMH n'ont plus aucun secrets pour moi, j'ai beaucoup plus de mal avec PLU, PPR, COS et compagnie.

J'ai finalement trouvé le moyen de ne plus ressasser mes problèmes de fertilité. Ressasser des problèmes de maison à la place. Et ça marche pas mal!

mardi 18 février 2014

Je sais plus



Je sais plus si j'ai mal
Ou si c'est l'habitude
D'être toujours celle qui chiale et qui se prend tous les murs
Je sais plus si j'ai froid
Ou si c'est l'vide qui me glace
Les os et puis les doigts quand ça devient trop dégueulasse

J'sais plus si je rêve encore
Ou si mes songes mêmes sont morts
J'sais plus si je t'attends
Si je fais juste semblant

Je sais plus si je veux mourir
Ou si je veux croire toutes ces conneries
Qu'je me raconte pour dormir et sortir de mon lit
Je sais plus si je cicatrise
Ou si je pisse encore le sang
Si je suis moi, si je me déguise
Si je voudrais encore un enfant

Je sais plus si je suis foutue
Ou si je vis effrontément
Suis-je malheureuse ? Je sais même plus
Si je recule ou vais de l'avant
Je ne sais plus si c'est ta voix
Qui me donne la nausée au réveil
Ou si c'est le gris au dessus des toits
Et si c'est le gris c'est pas pareil

Je sais plus si j'ai peur
Ou si je ne crois plus en rien
Si mes larmes coulent sur ton coeur
Si mes rires brûlent dans tes mains
Je sais plus si c'est normal
D'avoir le coeur toujours trop haut
Qui se soulève dans mes entrailles et bousille mon cerveau

J'sais plus si je suis trop moche
Ou si c'est ce foutu miroir
Qui me brise en morceaux et m'écorche
L'estime et le regard
J'sais plus si sur ta langue
Il te reste un peu de mon amertume
Si je coule ou si je tangue entre la mer et l'écume


Merci à ma copine Loumi pour m'avoir fait découvrir cette belle chanson.

samedi 15 février 2014

Saint Valentin

Le 14 février, c'est le seul jour de l'année où mon chéri cuisine. (Non, couper les légumes sous mes ordres et faire cuire des pâtes, ça ne compte pas!) C'est un grand moment car il veut me surprendre, mettre les petits plats dans les grands, mais son manque d'expérience le rattrape souvent. Moi, n'ayant pas le droit d'approcher la cuisine, je l'entends ronchonner et jurer et je me marre. Inutile de préciser qu'à la fin de l'opération, la cuisine ressemble à un champ de bataille, et que le frigo est saturé de restes. Car il prévoit toujours beaucoup trop en quantité. Mais souvent, c'est très bon, même si la présentation laisse à désirer. Et surtout, il est tellement émouvant avec son tablier, à vouloir me faire plaisir!

17h30 : "Bon allez, je me lance, car j'ai du pain sur la planche!"
Il me chasse de la cuisine. Le chef cuistot est aux fourneaux.
17h45 : "Euh... comment tu fais du beurre fondu?"
18h00 : "Ça veut dire quoi faire fondre le chocolat au bain marie?"
18h15 : "Gribouuuuuuuuuuu... Il est où le batteur?"
Bruits de batteur. Je lui avais dit de faire simple pourtant, et il se lance dans des blancs en neige!
18h30 : "T'es pas pressée de manger de toute façon?"
Je pense qu'à ce rythme-là, on va réveillonner!
18h45 : "Ça va être le meilleur dessert que tu aies goûté de toute ta vie!"
J'ai comme un léger doute. Mais en tout cas ça sera fait avec amour.
18h47 : Bruits de batteur. De toute évidence, il est en train de faire monter les blancs en neige. Pour la troisième fois?!
19h00 : "Gribouuuuuuuu... les blancs en neige ils veulent pas monter!"
Comme il s'agit d'une urgence, j'ai le droit d'aller mettre un nez dans ma cuisine. Je ne sais pas ce qu'il a trafiqué, mais c'est fichu, les blancs ne monteront plus! Tant pis, ça sera une crème, pas une mousse.
19h05 : Tu crois que je suis prêt pour le meilleur pâtissier de France?
Euh... j'ai comme un doute!

Je préfère m'éclipser dans la salle de bain pour me faire belle... et ne pas voir la misère.

20h00 : Je ressors, l'homme est toujours en train de batailler avec ses casseroles. 
20h15 : Il a vu les choses en beaucoup trop grand et a prévu beaucoup trop en quantité.
20h30 : "Je crois que je regarde trop Top Chef!
C'est clair !
20h45 : "D'ici que je finisse, la St Valentin sera passée, on sera le 15!
C'est fort possible en effet!

21h00 : J'obtiens la permission d'aller l'aider en cuisine, à condition de ne pas ouvrir le frigo (surprises oblige). 
21h10 : J'essaie de le prévenir que sa tuile au four est en train de roussir.
"Chuuuuuuuut! Je lis la recette, là, je me concentre!"
21h10 et 15 secondes : J'insiste pour qu'il regarde dans le four.
"Mais y'a écrit 5 minutes et là ça fait que 4 minutes."
Oui mais ça dépend des fours mon amour...
Heureusement, la tuile a été sauvée in extremis.

Au final, nous avons bien mangé, tout ce qu'il avait fait était très bon, même sa mousse transformée en crème. Nous avons passé une très bonne soirée en amoureux, ça nous a permis de nous retrouver, d'oublier un peu nos galères et la PMA. Une bouffée d'oxygène au milieu des soucis, ça fait du bien. Et je m'étais faite tellement belle que la suite n'est pas racontable...

mercredi 12 février 2014

Tu peux pas savoir

J'ai une collègue. Qui est vraiment très sympa, marrante, gentille, toujours de bonne humeur. Elle serait parfaite si elle n'avait pas d'enfants, souvent omniprésents dans les conversations. Et même si je l'aime bien, l'infertile qui est en moi est souvent blessée par ses remarques anodines. Elle est pourtant au courant de mes problèmes, elle sait que je viens de foirer ma FIV2. Mais c'est plus fort qu'elle, faut qu'elle fasse des bourdes.

Hier, alors qu'on surveillait les élèves en récréation, on s'est mises justement à parler de l'organisation des services de récrés. Elle racontait que l'an dernier, dans son autre école, toutes les collègues étaient toujours de surveillance. Que c'était fatigant de pas pouvoir se poser deux minutes.

"Pis, tu sais, quand t'es encein... ah bah non tu peux pas savoir... et bah quand t'es enceinte jusqu'aux yeux, avec le bide ééénorme, t'es bien contente de pouvoir t'asseoir..."

Et alors qu'elle continuait sa litanie, il m'a paru urgent d'aller vérifier ce que les petits CP trafiquaient près du toboggan...

mardi 11 février 2014

Poème

Heureusement que mes élèves sont là pour me changer les idées et me remonter le moral!
Poème écrit par une petite mignonne de ma classe de CE1 du mardi.


Traduction:
Maitresse, Maitresse,
Je t'aime.
J'aime le mardi parce qu'on va à la bibliothèque avec toi.
Et on fait de la géométrie.
Tu es très gentille.
Elodie

dimanche 9 février 2014

Damoclès

J'ai des ovocytes de mauvaise qualité. C'est à cause de moi que ça ne fonctionne pas. On ne va jamais y arriver. Je ne serai jamais maman. Je n'aurai jamais d'enfant. C'est moi qui ait un problème. C'est moi le problème. 
Voilà à peu près les pensées qui tournent en boucle dans ma petite tête depuis l'annonce de la gynéco. J'ai beau savoir que tout ça, c'est la faute à pas de chance, à la Vie qui est mal faite, à Dame Nature qui est une [censuré], ça ne m'empêche pas de me torturer l'esprit.

J'ai l'impression de ne pas avoir mérité ça. Et je tombe de haut, encore une fois. Je suis une personne déterminée, quand j'ai un objectif, je fais tout pour l'atteindre. J'ai été élevée dans l'idée que si tu travailles dur, tu obtiens ce que tu veux. Ce que tu mérites. J'ai voulu de tout mon coeur devenir instit, j'ai bossé pour ça, et ça a marché. Je me suis battue contre ma timidité pour devenir une adulte respectée. Appréciée. J'ai voulu de tout mon coeur rencontrer quelqu'un, j'ai tout fait pour ça, et ça a marché. Je fais de mon mieux, tous les jours, pour entretenir la flamme, pour que notre couple soit soudé et ça fonctionne.

Mais mon voeu le plus cher, celui qui me prend aux tripes et qui me fait monter les larmes aux yeux. Celui pour qui je donnerais tout. Celui pour qui je sacrifie tout. Mon souhait le plus cher ne se réalise pas. Malgré toute ma volonté. Et je suis impuissante. Je ne suis plus maître de ma vie. Et je subis.

Mais pourquoi? Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça? De quoi suis-je punie? Est-ce une punition pour avoir voulu trop tôt être mère? Pour trop aimer pouponner? Pour avoir fait de la maternité l'unique but de ma vie?
Ces questions je me les pose vraiment. Je me suis toujours sentie "à part". J'ai toujours fait des enfants le centre de ma vie. J'ai passé ma jeunesse à m'occuper des enfants des autres, à prendre ce rôle de maman très à coeur. Ça me paraissait tellement naturel, tellement couler de source. Je vivais pour ça. Jamais je ne me suis posé la moindre question. J'étais faite pour être mère.

Peut-être ai-je été trop prétentieuse. La preuve, je ne suis pas "faite" pour être mère, au sens biologique du terme. Puisque j'ai de mauvais ovocytes. Je ne suis pas "normale". Et c'est ça que je n'accepte pas.

L'idée de passer par un don d'ovocyte ne me pose aucun problème. Ce bébé sera le notre, avec ou sans mon patrimoine génétique. Que mon enfant ne partage pas mes gènes, je m'en fiche comme de ma première chemise.
Non, ce qui me fait peur, ce sont les années sur liste d'attente, si nous voulons faire cette FIVdo en France. Ce bébé, je le rêve depuis des années, je ne me sens pas capable d'attendre encore si longtemps. Dans quel état serais-je dans 2 ou 3 ans? Quel sera l'état de mon couple?
Partir à l'étranger est très tentant, mais mon chéri freine pour l'instant des quatre fers. Essentiellement pour une question d'argent. C'est vrai qu'il s'agit d'une somme non négligeable. Nous avons des sous de côté, mais pas pour rien. Nous ne sommes pas encore propriétaires, et nos voitures sont en fin de vie. Ces sous, on en aura besoin pour faire autre chose.
Il y a aussi la somme que j'ai mise de côté en prévision de mon congé parental. Ça me fendrait le coeur de l'utiliser pour faire une FIVdo, mais bon, sans bébé, pas de congé parental de toute façon...

Et si nous passons toutes nos économies dans des FIVdo qui ne fonctionnent pas, nous n’aurons plus rien si nous devons par la suite nous tourner vers l'adoption.

Bref, la question est épineuse. Mon chéri refuse de parler du don, et encore plus de l'adoption. Pour lui, c'est trop tôt. Et il a raison, tout n'est pas encore joué. L'ICSI sera peut-être notre solution. Mais peut-être pas.

J'ai l’impression d'avoir une épée de Damoclès au dessus de la tête.

jeudi 6 février 2014

Débriefing FIV 2

De retour du rdv post-foirage de FIV. Ce que j'avais deviné depuis longtemps vient de m'être confirmé.

Oui, je réponds mal aux traitements.

Oui, j'ai un problème de qualité ovocytaire.

C'est une chose de s'en douter fortement. C'est autre chose que de se l'entendre dire par une gynéco en blouse blanche, aussi gentille soit-elle. Je me suis écroulée à la sortie du rdv. C'est sûr maintenant, j'ai des ovaires de merde. Ça m'a donné envie d'insulter tous les cons qui me disent depuis trois ans de ne pas y penser, de me détendre, que c'est dans la tête. C'est certainement pas en me décontractant que mes ovocytes vont devenir de top qualité! 

"Normalement, vu votre jeune âge, l'état de vos trompes (super) de votre utérus (super) et le sperme de votre conjoint (super), ça aurait dû marcher depuis longtemps. C'est bien qu'il y a un problème au niveau des ovocytes. La preuve, sur 4 mis en culture, aucun n'a été fécondé."

Ah, merci madame! C'est ce que je pensais depuis longtemps, mais personne n'avait encore osé me le dire en face. Même si c'est dur à encaisser, je suis contente qu'un professionnel ait enfin posé un diagnostique. Elle n'était ni trop pessimiste, ni trop optimiste. Réaliste quoi. J'ai un double problème. Je ne réponds pas bien aux traitements, donc j'ai peu d'ovocytes. Mais en plus le peu que j'ai ne sont pas de top qualité. De quoi se réjouir. 

Voici donc à quoi on peut s'attendre pour la suite : 

D'abord, commencer la stimulation directement par une forte dose pour espérer recruter d'avantage de follicules. C'est à se demander pourquoi ils ne l'ont pas fait avant? Je leur avais dit que je répondais mal pourtant...

Ensuite, faire une ICSI. Et là, c'est quitte ou double. Soit mes ovocytes ont simplement un problème "externe" (membrane...) et alors l'ICSI va permettre de contourner le problème et d'obtenir des embryons. Soit mes ovocytes ont un problème au sein même de la cellule, alors on n'aura pas d'embryons, et "on ne pourra pas vous aider d'avantage." 

Sous-entendu, il ne restera plus que nos yeux pour pleurer.
Et le don d'ovocyte.
Avec tout ce que ça implique au niveau des années d'attente, si on le fait en France.
Et tout ce que ça implique niveau économies, si on le fait à l'étranger.

Je crois qu'on vient de sortir de la case "infertilité inexpliquée."

mardi 4 février 2014

Prouesse

Vous ne pouvez imaginer la joie qui fut la mienne quand j'ai eu l'honneur de recevoir ce texto de CousineSo:

Petit mot groupé pour vous annoncer que notre jolie BabyGirl marche à 4 pattes!
Bisous à toutes et à tous!

Après celui de bonne année, ce deuxième texto de fierté maternelle m'a profondément meurtrie. Ma bonne humeur a fondu comme neige au soleil. Remplacée par une colère sourde.


Ameuter le quartier toutes les cinq minutes parce que sa gamine a fait un exploit passe encore. Quoique je trouve ça légèrement ridicule. Mais réfléchit-elle avant de m'envoyer ça, à moi? Alors qu'on ne se côtoie même plus, qu'on ne s’appelle pas. A-t-elle besoin de me tenir informée de ce genre de choses? Alors qu'elle est au courant de tous nos problèmes?

Mon silence suite au premier message n'a apparemment pas été compris. Il faut que je sois plus claire pour éviter à l'avenir de recevoir un texto par mois. J'imagine déjà! Premiers pas. Première coupe de cheveux. Premier anniversaire. Premier mot... STOP. Je ne pourrai pas en supporter d’avantage.

Sur le coup de la colère, plusieurs réponses cinglantes me sont passées par la tête.

Petit mot groupé pour vous annoncer que ma FIV2 a foiré et que je ne serai peut-être jamais maman. Bisous à tous!


Petit mot pour vous annoncer qu'aucun bébé ne marche à 4 pattes chez moi. Ah, oui, c'est vrai, je suis infertile!


Mon enfant à moi devrait déjà galoper dans la maison à l'heure qu'il est, si je n'avais pas des ovaires de merdes.


Mais par soucis de conserver l'entente familiale, j'ai essayé d'être aussi pondérée que possible. Dire mes sentiments, mais ne pas agresser. Juste, lui faire comprendre pour que cela cesse. J'ai tourné et retourné les mots dans ma tête pour finir par répondre ceci:


Salut CousineSo. Je préférerai ne plus faire partie des messages groupés. Je ne suis pas en mesure d’encaisser en ce moment. Bises.

C'était court, clair, et pas trop agressif. Du moins c'est l'impression que j'en ai eu. La réponse a été un peu plus laconique.


Désolé.


Et j'ai été déçue. Je crois que j'aurais aimé plus. Un petit "je comprends" ou "je n'avais pas réalisé que ça te blessait". Un petit quelque chose qui m'aurait aidé à moins lui en vouloir. Le "désolé", c'est juste le minimum syndical quoi. Mais bon, en attendant, le message est passé.

C'est déjà ça.

dimanche 2 février 2014

Que la vie est mal faite

J'ai écrit cet article il y a bien longtemps, un soir de révolte, sans jamais oser le publier. Trop noir, trop triste. Pourtant, ce n'est que la réalité de plusieurs de mes élèves. A la campagne, on n'a pas de ZEP. Mais on a aussi de la misère sociale...

Le plus triste dans tout ça, c'est que des gamins malheureux, y'en a à la pelle. Avant d'entrer dans l'éducation nationale, je n'imaginais pas à quel point. Mais la misère, la négligence, la maltraitance parfois, sont là, si près de nous. On les côtoie tous les jours, dans nos classes. 

Tous les jours.

Ces enfants, qui poussent n'importe comment, sans tuteur pour les soutenir. 
Ces enfants à qui personne ne donne de limites, et qui sont en permanence en recherche de l'autorité. 
Qui retournent la classe, frappent leurs camarades, et qu'il faut sans cesse rappeler à l'ordre. 
Ou qui se font tranquillement oublier, tout au fond de la classe.
Ces enfants à qui on ne prête pas attention à la maison, et qui sont tellement en manque d'affection que c'est douloureux de les repousser. 
Ces enfants à qui personne ne parle, à part pour leur aboyer dessus. 
Ces enfants, ballottés d'écoles en école, de maisons en foyers d'accueil.
Ces enfants, ça se lit dans leurs yeux, ne sont pas heureux. 

Pas de blouson alors qu'il gèle dehors.
Pas de fournitures scolaires, même pas un stylo.
Des chaussures trop petites qui font mal, ou trop grandes de 2 pointures, celles du grand frère.
Certaines familles ne peuvent vraiment pas. N'ont pas de sous, n'arrivent pas à joindre les deux bouts.
Mais ce qui est le plus révoltant, ce sont ces Iphone rutilants dans les mains de certaines mamans.
Ce sont ces écrans plats achetés en septembre. Quand l'allocation de rentrée tombe.
Alors que leur gosse a un trou gros comme ça dans sa chaussure.

Et nous, candides enseignants, on essaie de faire entrer dans le système scolaire des enfants qui vivent dans un autre monde.

On leur demande des respecter de règles, alors que chez eux il n'y a aucune limite.
On leur apprend que "putain" est un gros mot, alors que pour eux c'est un mot courant.
On leur interdit de taper quand à la maison la règle c'est oeil pour oeil, dent pour dent.
On leur demande d'arrêter de rêver et de se mettre au travail, alors qu'ils se sont couchés bien trop tard la veille.
On leur demande de progresser, mais personne ne les aide à faire leurs devoirs le soir.
On leur demande de se concentrer, mais c'est pas facile le ventre vide.
On leur demande d'écouter, mais eux, qui les écoute?
On leur demande d'apprendre, mais leur tête est tellement pleine des soucis de la maison, le poids est tellement lourd sur leurs petites épaules, comment pourraient-ils apprendre dans de bonnes conditions?

Pourtant, à force de persévérance, quelques-uns s'en sortiront. Mais on ne pourra pas tous les sauver. On en est conscient, et ce dès la maternelle. 

Egalité des chances à l'école, mon oeil.

Faut pas se leurrer, il n'y a aucune égalité. 

Et nous, pauvres enseignants, sommes bien impuissants. On fait de notre mieux mais au final, on ne peut que se résigner. 
"Tiens, Mme Tuyau-de-poêle est enceinte. De son 5ème gosse." 
Quand on sait qu'elle ne s'occupe déjà pas des 4 premiers...

Bon sang que la vie est mal faite.