A cet abîme de fatigue dans lequel je suis tombée il y a cinq mois, s'ajoute une pression immense que je n'avais pas anticipée le moins du monde. A avoir tant attendu ce petit bout, à m'être tant battue pour obtenir cette grossesse, je pensais naïvement qu'une fois l'accouchement derrière moi, le plus dur serait passé, et que j'allais tout gérer d'une main de maître.
Sans prise de tête. Tout en décontraction. Je m'imaginais très bien, donnant la tétée tout en jouant avec Pâquerette, préparant le repas avec bébé en écharpe, allant me promener avec ma grande en trimballant bébé partout. C'était un deuxième, il allait suivre le mouvement voilà tout. Tant pis si bébé a une sieste ou un repas décalé après tout. Je m'étais bien trop pris la tête pour Pâquerette. Je m'imaginais en mère bohème et décontractée.
Exactement ce que je ne suis pas. En analysant un peu mes difficultés, je me suis aperçue que je me collais la pression toute seule. Et que c'était plus fort que moi, on ne me referait pas. Qu'il fallait l'accepter. Quand j'endosse le rôle de maman, c'est tellement à 100%, qu'à chaque minute, chaque seconde, je veux que bébé soit bien. Qu'il n'ait pas faim. Ou chaud. Ou froid. Qu'il ne pleure jamais. Qu'il soit toujours soit en train de dormir paisiblement, soit en train de manger tranquillement, soit en train d'être en éveil de qualité, c'est à dire avec quelqu'un (le plus souvent moi) qui le couve du regard, lui parle, joue avec lui...
Or, je vais l'écrire en gras pour bien me mettre ça dans la tête, c'est impossible. Il y a forcément des instants au cours de la journée où bébé est inconfortable, et je n'y peux rien. Avec Pâquerette, ces moments étaient forcément limités car je n'avais qu'elle à m'occuper. Je me douchais en trois secondes chrono, avec le transat dans la salle de bain bien sûr, et sans cesser de lui parler. J'avalais une tranche de jambon et une banane le midi et hop le repas était fait. Je ne me posais jamais, ne pensais qu'à elle, toujours.
Et même si maintenant elle est grande, j'ai toujours fait en sorte, depuis presque 8 ans, d'être cette mère ultra disponible. Sans en avoir conscience particulièrement. C'était ça pour moi, être maman.
Sauf que l'arrivée de bébé Charlie a complètement changé la donne. Je ne peux pas me dévouer à 100% pour lui et en même temps, à 100% pour Pâquerette, c'est mathématiquement impossible. Il y en a toujours un qui doit renoncer (souvent ma grande fille) ou patienter. Et que c'est dur, mais que c'est dur!
La première fois que Pâquerette a eu un chagrin et que j'étais en pleine tétée, je n'ai pas pu la prendre dans mes bras. C'était pour une broutille, mais ça a été d'une violence inouïe pour mon cœur de maman. Elle s'est blottie contre moi, mais ce n'était pas pareil, le coussin d'allaitement nous séparait.
Je m'étais imaginé tout ce que je pourrais faire avec elle en même temps que donner la tétée, mais je n'avais pas pensé à tout ce que je ne pourrais pas faire. Lui faire sa couette le matin. Remplir et découper le billet d'absence pour l'école. Jouer à de nombreux jeux de société. L'aider à chercher ce bricolage super important qu'elle a égaré. Aller admirer sa construction en Lego dans sa chambre. C'est un fait, je ne peux plus être la même maman pour Pâquerette.
Comme je ne peux pas être, pour Charlie, la même maman que j'ai été pour Pâquerette. Je dois interrompre sa sieste pour aller chercher sa grande sœur à l'école. Il doit patienter pendant que je prépare à manger, car je ne peux pas juste servir une tranche de jambon et une banane à une grande fille en pleine croissance. Des fois il râle un peu sur son tapis d'éveil, parce que je prends le temps de passer un moment de qualité avec Pâquerette.
Bref, on dit que l'arrivée du deuxième enfant est plus facile à gérer que le premier. Me concernant, je ne suis pas du tout d'accord. Car avoir deux enfants, c'est devoir choisir sans arrêt, à qui on va donner de l'attention en premier, et qui on va faire patienter. Ce n'est pas forcément négatif. Pâquerette a l'âge d'être autonome sur beaucoup de choses maintenant, elle ne pourra pas être tout le temps dans les jupes de maman. Et Charlie va apprendre dès le début à partager.
C'est pour moi que c'est difficile en fait, c'est moi qui doit apprendre cette nouvelle façon d'être maman. Et sans m'oublier complètement sinon je ne tiendrai jamais le choc. Vaste programme!